MAM' !!
Mamy ( prononcez Mam') a été
notre chauffeur et guide pendant trois semaines à Madagascar.
Mam' a 52 ans, il est chauffeur de taxi-brousse sur la ligne
Tananarive-Antsirabé.
Lorsqu'il était jeune, Mam' a fait une université
de gestion et c'est là qu'il a rencontré Haja
( "adj"), sa femme. C'était l'époque où
il avait assez d'argent pour faire la fête de temps en temps
avec ses amis étudiants.
Mam' a travaillé 12 ans sur un programme de la FAO, financé
par les Nations Unis.
"Mon patron, c'était l'ONU", nous disait-il.
Mais l'ONU renouvelait son contrat tous les ans et lorsqu'elle
l'a trouvé trop vieux, elle a cessé de l'employer.
Les lois du travail de Madagascar ont été appliquée
: pas d'indemnité de licenciement ni de chômage, pas
de retraite non plus.
L'ONU a laissé Mam' comme ça, avec sa femme et ses
trois enfants.
Haja, heureusement, travaillait pour un programme financé
par l'Union Européenne. Mais elle aussi a finalement
été remplacée par des plus jeunes. Elle aura
droit a une petite retraite, c'est déjà ça,
même si ce sera insignifiant.
Après deux ans sans travail, Mam' s'est résolu
à acheter un minibus et il s'est inscrit comme chauffeur.
C'est un métier fatigant mais qui permet de vivre modestement
en payant les études des enfants.
Ses collègues sont d'anciens universitaires, ingénieurs
ou médecins. Il n'y a pas de travail qualifié pour
tout le monde à Madagascar parce qu'il n'y a pas d'argent.
Mam' est très gentil, modeste, consciencieux et ...
fataliste. Nous lui avons demandé: "qu'est-ce qu'on
fait quand on est trop vieux pour travailler ?"
Il a répondu simplement: "On n'a plus qu'à
se laisser mourir."
D'ailleurs, il y a très peu de personnes âgées
à Madagascar. Bien sûr, comme en France, une loi "oblige"
les enfants à prendre en charge leurs vieux parents.
"Mais on ne peut pas leur demander ça, a-dit Mam', c'est
bien trop lourd pour eux et ils ont déjà à
s'occuper de leurs propres enfants".
Alors, lorsque la médecine du travail l'obligera à
arrêter son métier de chauffeur, Mam' cherchera autre
chose. Il ouvrira peut-être une vulcanisation, c'est
à dire un magasin de réparation de pneus. A moins
que Haja ne se lance dans un petit élevage de porcelets,
il paraît que ça marche bien.
En ce moment, Mam' fait construire une maison parce qu'il
ne peut plus habiter dans celle qu'on lui prête depuis longtemps.
Il y aura une pièce, une seule, avec peut-être l'électricité.
Les toilettes seront dans la cour et pour l'eau, heureusement il
y aura un puits.
Du moment qu'on arrive à manger.
Nous avons eu bien du mal à quitter Mam'
et Haja aussi, parce que la relation avec eux a été
authentique et simple. Parce que pour eux, la valeur des sentiments
est mille fois plus importante que tout ce que l'on possède.
Nous étions les riches et nous étions les clients
de Mam'. Nous nous sommes quittés amis, nous toujours
riches et eux toujours pauvres, mais infiniment heureux et très
émus de tout ce que nous avions partagés ensemble.
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